octobre 1900
Les lumières de Venise étaient comme des étoiles lointaines, vagues lumières vacillantes d'espérance pour des âmes qui espéraient des jours meilleurs. Mais ce soir, comme tous les soirs, ces lumières n'étaient là que pour repousser les ténèbres, une journée de plus. Mirko, debout sur le pont du navire qui le menait vers la source de ces minuscules point lumineux, les fixait. Tant d'années s'étaient écoulées pendant qu'il était ailleurs en Europe. Tant d'années et tellement de choses avaient changé. Il ferma les yeux et soupira. Son souffle se marqua dans l'eau frais marin, avant de s'étioler et de disparaître. Il retira sa main du cordage pour retourner à ce qui lui servait de cabine.
Il restait encore plusieurs heures de navigation avant d'arriver à Venise. Le bateau où il se trouvait accostera au port de Santa Croce. Ainsi, à peine débarquer, il n'aurait qu'à marcher un peu pour rejoindre un hôtel particulier qui appartenait à sa famille. Là, il pourra aspirer à un véritable repos. Car ce n'était pas en mer qu'on pouvait espérer trouver un peu de quiétude. Entre les relevés de quart qui s'entendait sur le plancher peu épais du navire, le cri des marins... les ordres données en beuglant de la part du capitaine quand un imprévu se pointait... Tout cela n'aidait vraiment pas. En plus, le capitaine humain criait dès qu'il estimait qu'il perdait du retard sur le temps du voyage. Quoi de plus normal, vu qu'il avait un passager et quelques marchandises à débarquer. Le temps était de l'argent. C'était une chose que Mirko peinait à comprendre dans son intégralité ça d'ailleurs...
Le temps. Les Hommes commençaient à courir après, quand il était question de se faire de l'argent, ou d'avoir du pouvoir sur leurs pairs. Mirko pouvait comprendre qu'ils aient une vie éphémère. Mais celle-ci ne s'était pas raccourcie de siècles en siècles...Nouveau soupir. Il arrivera peut être à comprendre, mais plus tard. Là, il rêvait que d'une chose : un bon lit !
Ce ne fut donc que quelques heures plus tard que les semelles de ses bottes trouvèrent la terre ferme, sur les dalles pierreuses qui composaient le quai où il débarqua. L'odeur de la marée basse assaillait ses narines. Il fronçait un peu des sourcils devant cette agression olfactive, cherchant déjà son chemin à travers la cohue matinale qui avait pris d'assaut le port. Le soleil était à peine levée, voilée par la brume automnale que déjà ca fourmillait partout autour de lui.
Une mouette accueillit son arrivée d'un cri strident. Il la regarda passer au dessus de lui, appréciant un instant son vol plané. De là-haut, elle dominait tout le monde terrestre. Et pourtant, elle n'avait aucune prétention sur lui. Pas d'avidité, pas de soif de pouvoir ou de conquête. Juste le plaisir de voler et de chercher à manger, en se moquant de temps en temps des Hommes par son cri.
Bon, et s'il quittait ce port maintenant ? D'un pas décidé, il se dirigeait vers les quartiers résidentiels.