Herrera Galvez
« Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures d'orge pour un denier; mais ne fais point de mal à l'huile et au vin. »
Je cherche l’espoir, aussi subtile et risible soit-il, de pouvoir un jour croire en une paix durable, qui puisse être conquise par la verve, plutôt que les bassesses.
Cavalier de l’Apocalypse
Résiliente - Attentive - Inspirée - Nuancée
Ma résilience pourrait en réalité être considérée comme une combinaison de force et de fluidité, qui me permettent de m'adapter à de nouvelles circonstances, sans mettre en péril mon intégrité. C'est aussi elle, qui m’a permis d'apprendre à m’acclimater aux changements de cette vie chaotique mais chérie. Cette même résilience, me rend curieuse, tenace, empathique, et j’ai bon espoir qu’elle puisse faire briller une note d’optimisme, même lorsque la tempête se déchaînera contre nous, si tel doit être le cas. Il s'agit là d'un optimisme profond guidé par des valeurs et standards internes, mais aussi, une éducation et l’amour d’un époux qui a su trouver le meilleur en moi, pour me le montrer. De ce fait, j’estime être capable d’une haute tolérance pour l'ambiguïté et l'incertitude, puisqu’il m’arrive moi-même d’en faire usage et de soigner toute décision par un long silence de réflexion, impliquant, pour et contre, dans la balance. Éventuellement, cette infime partie de moi, trouvera un usage, dans un effet synergique pour apporter de la stabilité, dans les crises et le chaos. Un moyen non dénué de sens, s’il me permet d’éviter et bloquer les attaques, et savoir rendre les coups. Il s'agit ici de savoir voir au travers et d'esquiver les écueils, les "jeux" et les manipulations que les autres peuvent essayer de mettre en place.
C’est ce sens du détail et de l’attention perpétuel, qui me sert quotidiennement afin de pouvoir trouver la justesse et l’équilibre, avec moi-même, mais aussi avec mon entourage. Savoir lire entre les lignes afin de comprendre le mal-être, la détresse, mais aussi les joies et les réconforts de mon prochain, est un point auquel je tiens. L’attention suivra la compréhension et avec elle, il découlera la bienveillance et l’égard, mais gardez-vous de recevoir la méfiance. Couramment, j’aurai besoin de calme et de paix, en échange d’un esprit hyperactif et vigilant, en vue d’alléger celui-ci d’informations superflues.
Il m’arrive encore de chercher les interprétations muselées d’un discours, pour en comprendre toutes les nuances et les implications sous-jacentes. Cette même compréhension dans les reliefs d’une opinion ou bien d’une action, ne m’est pas étrangère. J’en fais moi-même usage. Décortiquer et creuser toujours plus, me permet souvent de clarifier un mensonge – qu’il soit adressé à mon propre moi ou bien à un autre – , une idée ou la croyance semblable malgré tout différente d’un tiers. Après tout, chaque être vivant ressent et vie, sa vie, selon ses propres croyances, perceptions et ressenties. Il est donc, selon moi, évident que nous ne puisions pas toujours nous comprendre pleinement, même après des années. Le tout est de savoir exprimer nos désaccords et nos griefs, avec calme et réflexion, plutôt que laisser la poudre brûler et s’enflammer définitivement.
Possiblement, l’ensemble de cela me permet lorsque j’entrouvre les lèvres pour m’exprimer de saisir l’important et de faire mouche. Mes paroles n’ont pas la force d’une loi ou d’un commandement divin, pourtant, il m’est arrivé de choisir plus d’une fois, les bons mots et de voir alors le positif en sortir. Apprendre à chercher le meilleur dans la noirceur, est crucial pour le cavalier que je suis, car le bien apporté pourrait également conduire à une perte bien plus dramatique que le déclenchement des Enfers sur Terre. A l’inverse, l’Apocalypse pourrait-elle être le moindre mal ? Des questions auxquelles, pour le moment, je n’ai toujours aucune réponse probante, mais qu’il me faudra trouver, avant qu’il ne soit trop tard.
Désordonnée - Formaliste - Introvertie - Solitaire
Mon désordre résulte d’une incapacité plus que probable, de me projeter dans l’avenir avec une variante à double tranchant, mais aussi d’un équilibre ténu entre ce même fouillis et le soin que j’apporte à mes réflexions profondes. Ce chaos, pourtant source d’harmonie interne, ne m’embarrasse en aucune manière et j’ose le dire. S’il peut être l’instigateur d’une image plus médiocre de moi-même, auprès des personnes que j’ai en estime de côtoyer, notamment mes homologues au destin incertain, j’espère avoir leur clémence à défaut de remontrance.
Si mon époux tenait à l’étiquette, il en allait de même pour la famille qui a eu la bonté de me recueillir. Ils n’étaient point aisés, mais l’éducation et les codes sociaux avaient de l’importance pour eux. Elle en autant pour moi aujourd’hui. Bien que je m’exprime que sporadiquement, je n’en n’oublie jamais la forme, avec parfois – certes – beaucoup de froideur qui pourrait être confondue avec de la rigidité. Je tiens à la bienséance, et davantage avec l’âge qui me gagne, mais j’apprends depuis peu, à lâcher du lest, autant que faire se peut.
L'introvertie que je suis, est tournée vers l'intérieur, c'est-à-dire que je suis centrée sur la pensée et que je privilégie la réflexion avant l'action. Détrompez-vous, cela ne veut pas dire que je reste inactive, mais j’observerai toujours un temps d’écoute, d’observation et d’analyse au préalable. Souvent, on peut avoir l'impression que je rêve, que je semble lointaine et inattentive, alors que si vous me sondez sur la discussion que nous avons, ou bien un dilemme, je serai parfaitement capable de vous faire une réponse structurée. Je n’interviendrai que si je suis pleinement convaincue, que ce que j’ai à dire est vraiment intéressant et susceptible d'apporter quelque chose. Le souvenir de Perez m’exprimant son impression, de m’avoir crue trop ferme et définitive dans mes propos, alors que ce n’était pas le cas, me revient en mémoire. Je suis intimement convaincu, qu’il n’aura pas été le seul à avoir ce ressenti à mon encontre. Quelques élus, pourront peut-être découvrir, qu’en compagnie de proches sincères et de confiances absolues, l’introvertie que je suis, se laisserai aller à plus d’ouverture et de plaisanterie. Encore faudrait-il pour cela, que vous ayez une patience d’ange, pour briser la glace de mon monde intérieur.
Bien des gens abordent le monde de manière différente et expriment ouvertement leur besoin d’affiliation et d’acceptation au sein d’un groupe. Pour ma part, je préfère me concentrer sur mes propres idées, en étant stimulé par la solitude, alors que les interactions sociales peuvent rapidement m’épuiser. De ce fait, je n’ai qu’un petit cercle d’amis proches, de grandes exigences en ce qui concerne l’amitié et ceux à qui je décide de révéler ma confiance. Cela dit, si l’un d’entre eux – ou non – en venait à la trahison d’un bien-fondé de notre relation, il me serait impossible de rester sans agir, car je prends cela très au sérieux. Je peux pardonner, mais je n’oublierai jamais. J’aime passer du temps avec autrui, quand je le décide et non pas quand cela m’est imposé, plus encore lorsqu’il s’agit de ce cercle restreint, mais je ne dépends pas d’eux, malgré ma fidélité. Perdre du temps dans une relation avec un personnage hypocrite ou centré sur l’aspect négatif à outrance, dans l’exagération d’une quelconque situation, me rebute ! L’éloignement deviendra alors nécessaire. Pour autant, il m’arrive parfois de trouver la solitude pensante, plus encore avec le décès de mon époux. Avec son départ, il a pris la moité de moi-même et il m’arrive de croire que mon isolement rime avec la déprime du deuil.
J’imagine que je ne suis jamais réellement née en Espagne finalement, mais pendant longtemps, j’ai cru que c’était le cas et que ma vie, était celle d’une enfant comme les autres. Alonzo et Saez, mes parents adoptifs, m’ont raconté quelques fois l’histoire de mon arrivée inattendue. Ils avaient déjà de nombreuses bouches à nourrir, et malgré cela, aucun d’eux n’avaient la force de refuser un nouveau-né tombé du ciel. Ils m’ont expliqué que cela reviendrait, pour eux, d'être incapable de se regarder en face par la suite. S’ils n’ont jamais cherché à savoir qui m’avait déposé devant leur porche, j’imagine qu’ils devaient quand même avoir la crainte que j’apprenne un jour, que je n’étais pas réellement leur enfant. Ils ont été de merveilleux parents avec l’orpheline que j’étais et qu’ils nommèrent Herrera.
Contrairement à ma sœur cavalière, je dois reconnaître que j’ai eu de la chance. Une chance que j’aurais aimé pouvoir lui partager afin qu’elle puisse vivre plus sereinement, loin des tourments du rejet. À l’inverse d’elle, lorsque le sang coula pour la première fois sur mon corps, après une chute idiote du haut d’un arbre, la plaie sanguinolente qui se résorba d’elle-même fût accueilli comme un signe du Divin. Si mes parents jugèrent cela comme une bénédiction des cieux, ils réclamèrent également à mon encontre, le silence à ce sujet. À cette époque, eux comme moi, ignorions si cet incident était isolé ou s’il s’avérait que j’étais réellement doté d’un don particulier. Aucun d’entre nous ne chercha, la confirmation de cela. Les années suivantes, me permirent de comprendre que la seconde hypothèse, était la bonne. Je n’étais âgée que sept ans, lors de ces événements troublants et hors du commun.
Une nuit, je me souviens parfaitement de l’avoir vue, cette première silhouette sombre. Ce n’était pas qu’une nuit éparse parmi tant d’autre, mais elle fut la première d’une longue série. Si la silhouette changeait parfois d’apparence, me donnant l’impression d’être une autre personne, je compris que bien des années plus tard qu’il s’agirait réellement de plusieurs individus. Les formes sombres que les silhouettes laissaient entrevoir, apparaissaient toujours chacune leur tour, à différents moments. Si je les voyais et tentais à maintes reprises de leurs parlers, aucuns de ses êtres, ne pouvaient répondre à mon interrogatoire. Leur bouche demeurait close, alors que ma voix d’enfant de seulement neuf ans, continuait à questionner.
Je me souviens avoir eu, la crainte d’en parler à mes parents et d’être déprécié à leurs yeux. Il n’en a rien été, au contraire, ils ont su trouver les mots justes et me conforter dans l’idée, que je ne devais pas avoir de crainte envers eux. Si seulement j’avais su que ces apparitions auraient un impact bien plus important, peut-être aurais-je du les craindre.
Plus tard, à l’aube de mes vingt ans, j’ai fait la connaissance du seul homme qui partagea ma vie. Bien que des années nous séparaient, nos valeurs communes nous rapprochèrent, plus que je ne l’aurai cru. Perez, mon tendre Perez, fût aussi patient, qu’habile et intense pour faire sa cours. L’année suivante, j’épousai ce médecin qui faisait battre mon cœur avec plus d’ardeur que je ne l’aurai imaginé. Son respect, sa bienveillance et l’art qu’il avait de lire en moi, m’a toujours profondément émue. Lorsque enfin, il fut rassuré que notre écart d’âge n’avait guère d’importance, je connus alors l’étreinte d’un amant aussi doux que fougueux.
C’est la mort dans l’âme, que je n’ai pu accomplir le devoir de lui fournir un enfant. Nous y avons pourtant cru, à mes vingt-trois ans, mais la désillusion tomba. La perte d’une vie chérie et tant espérée, qui n’avait pas même pu voir le jour, brisa quelque chose en moi. Perez sut partager ce tourment sans jamais m’en tenir rigueur. Cet homme, qui avait su s’émerveiller de la femme que j’étais avec la patience d’un saint, se voyait refuser la paternité. Si je sais, qu’il avait accepté ce fait, sans me blâmer, pour ma part, je me sentais terriblement fautive de lui infliger cela. Aujourd’hui encore, je pense à ce manquement, mais davantage à l’éventualité qu’il puisse être lié à tout autre chose… Et cela, je crains de ne pas le pardonner !
Le lendemain de mes vingt-cinq ans, il se présenta devant moi à l’abri de tout regard, un ange noir et des êtres qui se présentèrent comme étant mes observateurs. Je n’eus aucune crainte, car ils me semblaient familiers à l'image des apparitions lors de mes neuf ans. Je crus pendant un temps, qu’eux aussi seraient dépourvus de parole. Il n’en fut rien, car les mots qu’ils annoncèrent furent ceux qui bouleversèrent mon être dans ses plus intimes convictions du monde. J’aurai préféré le silence, à la cacophonie assourdissante des questions et implications qu’ils déclenchèrent. Tant de secrets, de responsabilité, de causalité – peut-être aussi – dans les propos qu’ils annoncèrent. Celui de ma nature réelle, de mes origines et du destin à double tranchant qui incombe, à nous autres cavaliers.
Durant les jours qui ont suivi, j’ai plus d’une fois hésité à en faire part à mes proches. Mes parents, tout comme leurs enfants, avaient toujours été un soutien. Perez, mon pilier, avait la force de surmonter bien des épreuves. Pourtant, je fus incapable de le leur révéler. Mon amour pour eux et leurs respects, me tenaient trop à cœur, plus encore maintenant après cette révélation qui bouleversait les fondements même de mon existence. Je devais les préserver de ma nature, car après tout, les cavaliers ont deux visages et si je souhaitai leur montrer Abondance, je me refusais aussi à causer leur perte, en dévoilant Famine. Il m’a fallu un moment pour me résigner à cette fatalité d’être un cavalier de l’apocalypse. Rien ne pourra le changer, alors seule l’acceptation est possible et il est clair, qu’elle impose aussi certaines concessions douloureuses. Aujourd’hui, je me crois prête au sacrifice, s’il me permet de ne pas être le fléau des Hommes.
Avec cette découverte, j’ai également fait le lien avec les événements de mon passé. Ce don formidable de guérison que mes parents pensaient être lié au divin, l’était. Partiellement du moins. Les trois silhouettes de mon enfance, étaient bien des êtres divins. La trinité qui chevaucherait à mes côtés lorsque l’heure sera venue, était - quant à elle - mes véritables frères et sœurs. Il m’est arrivé, je le confesse, je croire que mon incapacité à enfanter, vienne de ma nature de porteur de chaos, telle une contrepartie à donner.
Trois ans après cette annonce retentissante, j’eus le privilège de faire la connaissance de ma sœur véritable. Constance fut la première à me rendre visite. Si je la découvris solaire et flamboyante, j’ai également l’intime conviction que Guerre, à ce moment-là, cherchait tant du réconfort qu’un appel à l’aide. Elle était tout mon contraire, selon moi, mais aussi contradictoire que cela puisse être, je trouve que nos différences apportent l’équilibre. Si je ne lui ai pas dit de vive voix, j’ai pourtant de la tendresse envers elle et un pincement au cœur lorsque je repense à ses confessions sur la sombre enfance qu’elle à vécue. J’espère que notre rencontre, trop courte, et les mots échangés ce jour-là, auront au moins de quoi apaiser la noirceur de son cœur, lié à une vie mortelle bien amère. Elle n’a pas été la seule à se présenter sous mes yeux, eux aussi, sont venus.
Quelques années après, ce fut la venue de mes frères qui réchauffa mon être. Je découvris en Giacomo un frère tourmenté par sa nouvelle condition de cavalier, mais dont les valeurs et les échanges me faisait aussi profondément penser à Perez. Quant à Lawrence, il me semblait aussi solaire que notre sœur, et les paroles parfois revêches qu’il pouvait avoir, avaient au moins le loisir d’être directes et franches. Je crois que chacun d’entre nous gardait certainement une part d’amertume, concernant notre nature, mais elle ne m’empêche pas d’avoir de l’affection pour eux, de la tendresse aussi, et l’espoir fragile, mais présent, que nous puissions devenir des êtres de paix pour l’Humanité. Quand j’y pense, je crois que c’est sans doute lors de ses rencontres fugaces, que j’ai été la plus bavarde et curieuse, à leur encontre.
Jamais je n’oublierai le jour de mon premier voyage et le dégoût que j’ai eu pour moi-même ce jour-là. Si je pensais avoir saisi les implications de mon rôle en tant que cavalier, ce passage en Amérique du Sud, me l’a réellement fait comprendre. Le plaisir dévorant et à outrance, de se délecter des âmes affamées aux corps squelettiques, étaient un pur bonheur pour la moitié immortelle qui m’habite. Mais lorsque le festin s’achève et que l’esprit humain reprends ses droits, le rejet, l’horreur et l’aversion, eux, demeurent. Ce séjour court, lors de mes trente-cinq ans, fût le premier d’une longue série, mais je n’ignore pas, qu’il a dû en exister d’autre bien avant mon arrivée. Les famines suivent souvent les guerres. La guerre cause aussi les famines avec cette politique de la Terre Brûlée, la famine cause la mort et la mort elle-même, dévoile les maladies. Lorsque c’était le cas, j’avais parfois l’espoir de croiser mes frères et sœurs, mais je n’en ai jamais eu l’occasion.
Si je fus bouleversé de cette première expérience, j’avais aussi conscience que je ne devais le dévoiler. Aussi, je pris sur moi pour qu’à mon retour, aucun de mes proches puissent se douter de mon trouble. Perez n’en parla pas, mais je jurai qu’il avait intégré un écho de mon inavouable disparition.
Sporadiquement, il m’arrivait ainsi de me volatiliser pour nourrir Famine, rarement Abondance. Si le mensonge ne fait pas, généralement, partie de moi, j’ai cependant dû apprendre à m’en servir pour protéger des êtres chers d’une cruelle vérité. Ainsi, la vie au côté des miens poursuivit sa course lente, entre moments de joie et de difficulté aussi. La première vint, à quarante-deux ans, avec le décès de mon père, puis de ma mère, moins d’un an après. Si je savais qu’ils n’étaient pas mes parents d’origine – à l’instar de Gabriel et Lucifer, dont j’ignore tout – , jamais je n’aurais considéré de meilleurs géniteurs qu’eux. Les paroles ne pourront jamais suffire à remercier Alonzo et Saez, pour tout ce qu’ils ont fait pour moi. Ils ont été là pour moi et telle la fille que je suis à leurs yeux, je saurai être la sœur de leurs enfants, même après leurs morts. Puissent-ils trouver la paix.
Puisqu’un malheur ne semble jamais venir seul, Perez, me fut arraché. La maladie le tenait en grippe depuis quelques années déjà, mais combien de temps faut-il à quelqu’un pour se préparer à la perte d’un être aimé ? Il n’y aura jamais assez de temps pour cela, selon moi, car le corps et le cœur rejette toujours cette idée et si l’on se croit prêt, alors ce n’est qu’un mensonge que l’on s’inflige à soi-même. Il m’a fallu tant de temps, pour accepter son départ, pour accepter de ne blâmer ni Mort, ni Pestilence, et que le chagrin qui m’abattait, n’était que le reflet de la force et l’attachement, que j’avais pour mon époux.
Le cancer qui me prit Perez, alors âgé de soixante-treize ans, m’obligea également à savoir rebondir de nouveau. Je n’avais plus d’époux, pas d’enfant, mes parents eux aussi n’étaient plus et leurs progénitures bien qu’encore en vie, s’appétaient à rendre l’âme. Il était temps, de tourner la page et d’aller vers un destin autre que cette vie semi-mortelle.
C’est donc à cinquante-deux ans, que j’ai pris la lourde décision de quitter la terre de cœur qui j’aime tant, les souvenirs qui l’accompagnent aussi. Ainsi, accompagné du destrier qui m’accompagnera dans ma quête du bien et du mal, j’ai choisie l’errance d’une vie nomade à l’image de la trinité. Il m’arrivait de me faire happer, pour dévorer la souffrance induite de la famine. La grande sécheresse de 1876 est certainement jusqu’à aujourd’hui, celle qui m’a le plus marqué, et pour cause, le monde entier en fût impacté. Durant ces années-là, Famine a festoyé tous les jours sans aucune modération. Je n’étais que l’ombre de moi-même. L’Est australien, la Chine, l’Inde, le Brésil, et même le pourtour méditerranéen et la Nouvelle-Calédonie, ont subi ma présence. Pardonnez-moi, si j’en oublie, mais en ces cas-là, les seules choses que je retiens reste les images déchirantes, de ruelles désolées où l’on trouve de-ci, de là vingt ou trente enfants, garçons ou filles, mourant de faim et de froid… Les pauvres mangeaient ce que n’auraient pas voulu les pourceaux. Les loups étaient à cette époque si affamés que, dans les villages et dans les champs, ils déterraient les cadavres avec leurs pattes. Les campagnes, ce qui semble paradoxal, souffrent parfois bien plus que les villes. Vivant sous la dépendance des marchands, des villes, des seigneurs, le paysan ne dispose guère de réserves. En cas de disette, pas d’autre solution pour lui que de refluer vers la ville, de s’y entasser vaille que vaille, de mendier dans les rues, encore et encore.
Entre 1888 et 1892, j’ai de nouveau jonglé entre l'Éthiopie, touché par la famine, et cette de la Russie, qui ma rassasié de plus de deux millions de morts le long de la Volga, dans l'Oural, et jusqu'à la mer Noire. J’ai eu ouïe dire, qu’elle fut imputée à un hiver et un été secs, mais aussi à la forte natalité et à la stratégie économique de l'Empire russe, dont les exportations de blé, qui pouvaient alimenter suffisamment ces régions, n'ont pas été détournées au profit des affamés. Encore un exemple typique, que les hauts dirigeants de ce monde n’ont que faire de la souffrance et de la misère d’autrui. Pourrais-je seulement un jour, être capable de leurs ôter leurs œillères sans prendre leurs âmes aux passages ?
Sept ans plus tard, j’étais au Kenya central, à décimer la population de cette région du monde, et à chaque fois, je m’imposais ce jeûne de quatre jours, pour me repentir et partager – aussi, risiblement, soit-il – la désolation que j’avais causée. Si je ne tue pas directement, de part mon affiliation à la famine, elle, elle tue. Alors expliquez-moi, comment puis-je croire que je ne suis pas responsable de leurs morts à tous, dans ces cas-là ?!
Aujourd’hui encore, je prie pour l’arrivée d’Abondance et que je puisse à travers elle ne transmettre que le meilleur. Aussi, je ne pourrais vous dire que ceux-ci :
Puissiez-vous ne jamais connaître le manque, mais votre cupidité gargantuesque pourrait vous y conduire plus rapidement que vous ne l’imaginez. L’Homme a soif tant de pouvoir que de richesse, et sa faim est multiple et variée. Rien ne semble complaire l’Humanité en quête perpétuelle de « plus ». Plus de reconnaissance, plus de grandeur, plus d’opulence, plus de pitance.
Plus, jusqu’à l’excès.
Puissiez-vous apprendre à partager équitablement, mais l’égoïsme des Hommes et leurs amours de l’agent, ne feront que croître à mesure qu’ils continueront de s’enrichir. « Partager oui, mais seulement si cela m’est profitable également. » Songeront-ils avec orgueil. Rare sont les fois, où il m’a été donné de voir un souffreteux partager ses tristes biens, au profit d’autrui.
Il n’y a que trop peu d’équité sincère et désintéressé.
Bientôt, l’équilibre sera rompu et la balance fatidique, penchera alors d’un seul côté.
Il est l’heure de faire les comptes et un seul denier, pourrait faire la différence.
Plus, jusqu’à l’excès.
Puissiez-vous apprendre à partager équitablement, mais l’égoïsme des Hommes et leurs amours de l’agent, ne feront que croître à mesure qu’ils continueront de s’enrichir. « Partager oui, mais seulement si cela m’est profitable également. » Songeront-ils avec orgueil. Rare sont les fois, où il m’a été donné de voir un souffreteux partager ses tristes biens, au profit d’autrui.
Il n’y a que trop peu d’équité sincère et désintéressé.
Bientôt, l’équilibre sera rompu et la balance fatidique, penchera alors d’un seul côté.
Il est l’heure de faire les comptes et un seul denier, pourrait faire la différence.
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